Darwich,une vie"à coeur
ouvert".x
Les tourments du poète
rôdent toujours dans la terre de Palestine. La
voix de celui qui avait refusé le poste de ministre de la Culture que
lui proposait Yasser Arafat, disant qu’il
préférait être Sartre que Malraux,
s’est éteinte mais elle résonne encore, comme des éclats envoyés à la
face de l’occupant israélien.x
Comme une mise au point à
ceux qui ont mis le destin de la Palestine en péril.x
Mahmoud
Darwich était la voix de la Palestine qui surgissait au milieu du
sang et des gravats.x
Sa poésie est un cri
peignant la douleur de l’errance. Sa plus grande blessure, l’exil, était au centre de ses déclamations. Et
comme un ultime bégaiement de l’histoire, l’exil
vient encore hanter son repos éternel.x
Le droit de reposer dans la terre de ses ancêtres ne lui a pas été accordé.x
Comment aurait-il pu, au reste, revenir dans ses terres alors que les
Israéliens y font paître leurs vaches.x
La presse arabe et une
association d’anciens villageois de Birwa (en Galilée)
se sont indignées de ce qu’un tribunal israélien ait donné raison aux
colons qui promenaient leurs troupeaux précisément là où sont enterrés
les membres de la famille Darwich.x
A ce propos, le poète
chantait : « Celui qui m’a changé en exilé m’a changé
en bombe... Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les
rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ,
descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine. »x
La mort de Darwich a entraîné des polémiques qui ne font pas
honneur à la grandeur du poète.x
Les problèmes ont commencé
lorsqu’un « comité d’amis » a décidé de
publier les derniers poèmes, que Darwich n’a
pas eu le temps de terminer, dans un recueil portant le titre Je ne veux
pas de fin à ce poème (titre choisi par l’écrivain libanais Elias El
Khoury). Des poètes arabes ont été effarés d’y découvrir des fautes de
prosodie. Le fait est que Mahmoud Darwich
pratiquait le « poème cadencé », une écriture poétique apparue avec
l’école irakienne des années 1950 et qui consistait à se libérer des
conventions poétiques de « l’âge classique » tout en conservant des
règles rythmiques fondées sur une alternance codifiée de séquences
brèves et longues. Le monde des arts a accusé le « comité d’amis », et à
leur tête Elias Khoury, d’avoir souillé la mémoire du poète en
apportant des rectifications à ses textes. S’ensuit une longue et
désolante polémique opposant, par presse interposée (notamment les
journaux El Hayat et El Safir), l’éditeur exclusif de Mahmoud
Darwich, Riyad El Rayye qui n’a pas eu accès aux textes
originaux du poète à l’écrivain Elias El Khoury qui,
lui, a préféré conserver les textes. Il a été reproché à l’écrivain
libanais de vouloir « s’approprier »
l’héritage du poète. « Triste feuilleton du petit
monde des lettres, qui n’est pas vraiment à la hauteur de la mémoire de
ce très grand poète et qui révèle surtout combien le monde arabe est à
la recherche de figures dans lesquelles il puisse se reconnaître »,
a commenté Yves Gonzalez Quijano,
chercheur et professeur de littérature arabe.x
L’autre fait qui a soulevé
l’ire des admirateurs de Darwich concerne le
tournage d’une série télévisée retraçant la vie du poète et qui pourrait
être portée à l’écran durant ce mois de Ramadhan.x
L’idée émane du réalisateur
syrien Faris Ibrahim qui se spécialise dans
les séries racontant les vies des grandes figures culturelles arabes.x
Il a notamment réalisé des
séries basées sur les biographies des chanteuses Oum
Kalthoum et Esmahane et du poète Nizar Qabbani. « Je serai
prêt à encaisser vos attaques une fois que le travail sur Darwich sera
terminé », a déclaré le réalisateur syrien à ses détracteurs. Mais le
meilleur hommage qui puisse être donné à Darwich
est certainement le nouvel album de Marcel Khalifa,
inspiré du dernier recueil de Mahmoud Darwich,
publié de son vivant. Le compositeur et chanteur libanais a pris à cœur
de transformer ses poèmes en chants et en mélodies, leur conférant une
autre dimension. Ce qui fit dire au poète que Marcel
Khalifa était son « cœur jumeau » (tawaam
qalbi).x
Les admirateurs de Darwich, qui ont pu assister à ses spectacles, se
souviendront surtout de cette voix qui tourmente, qui fascine, qui
envoûte.x
La voix
d’un peuple sans voix.x
Darwich
aimait à croire en l’espoir. « Nous souffrons d’un
mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et
d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros ni
victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir
pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un
hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire.
Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les
roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom
original : terre d’amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir », disait-il.x
Il a contribué à façonner une identité palestinienne, que l’occupant israélien
cherche à nier : « Si quelqu’un, écrivait-il,
parvenait à une brève description des fleurs d’amandier, la brume se
rétracterait des collines et un peuple dirait à l’unisson : les voici,
les paroles de notre hymne national. » Celui qui s’était exclamé :
« ô mort, attends que je fasse ma valise »,
l’éternel exilé, qui a succombé à une opération à cœur ouvert, est parti
à l’âge de 67 ans, nous laissant sa valise.x
Par Amel
Blidisource:ELWATAN,le
quotidien indépendant-dimanche 9aôut 2009.x
ouvert".x
Les tourments du poète
rôdent toujours dans la terre de Palestine. La
voix de celui qui avait refusé le poste de ministre de la Culture que
lui proposait Yasser Arafat, disant qu’il
préférait être Sartre que Malraux,
s’est éteinte mais elle résonne encore, comme des éclats envoyés à la
face de l’occupant israélien.x
Comme une mise au point à
ceux qui ont mis le destin de la Palestine en péril.x
Mahmoud
Darwich était la voix de la Palestine qui surgissait au milieu du
sang et des gravats.x
Sa poésie est un cri
peignant la douleur de l’errance. Sa plus grande blessure, l’exil, était au centre de ses déclamations. Et
comme un ultime bégaiement de l’histoire, l’exil
vient encore hanter son repos éternel.x
Le droit de reposer dans la terre de ses ancêtres ne lui a pas été accordé.x
Comment aurait-il pu, au reste, revenir dans ses terres alors que les
Israéliens y font paître leurs vaches.x
La presse arabe et une
association d’anciens villageois de Birwa (en Galilée)
se sont indignées de ce qu’un tribunal israélien ait donné raison aux
colons qui promenaient leurs troupeaux précisément là où sont enterrés
les membres de la famille Darwich.x
A ce propos, le poète
chantait : « Celui qui m’a changé en exilé m’a changé
en bombe... Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les
rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ,
descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine. »x
La mort de Darwich a entraîné des polémiques qui ne font pas
honneur à la grandeur du poète.x
Les problèmes ont commencé
lorsqu’un « comité d’amis » a décidé de
publier les derniers poèmes, que Darwich n’a
pas eu le temps de terminer, dans un recueil portant le titre Je ne veux
pas de fin à ce poème (titre choisi par l’écrivain libanais Elias El
Khoury). Des poètes arabes ont été effarés d’y découvrir des fautes de
prosodie. Le fait est que Mahmoud Darwich
pratiquait le « poème cadencé », une écriture poétique apparue avec
l’école irakienne des années 1950 et qui consistait à se libérer des
conventions poétiques de « l’âge classique » tout en conservant des
règles rythmiques fondées sur une alternance codifiée de séquences
brèves et longues. Le monde des arts a accusé le « comité d’amis », et à
leur tête Elias Khoury, d’avoir souillé la mémoire du poète en
apportant des rectifications à ses textes. S’ensuit une longue et
désolante polémique opposant, par presse interposée (notamment les
journaux El Hayat et El Safir), l’éditeur exclusif de Mahmoud
Darwich, Riyad El Rayye qui n’a pas eu accès aux textes
originaux du poète à l’écrivain Elias El Khoury qui,
lui, a préféré conserver les textes. Il a été reproché à l’écrivain
libanais de vouloir « s’approprier »
l’héritage du poète. « Triste feuilleton du petit
monde des lettres, qui n’est pas vraiment à la hauteur de la mémoire de
ce très grand poète et qui révèle surtout combien le monde arabe est à
la recherche de figures dans lesquelles il puisse se reconnaître »,
a commenté Yves Gonzalez Quijano,
chercheur et professeur de littérature arabe.x
L’autre fait qui a soulevé
l’ire des admirateurs de Darwich concerne le
tournage d’une série télévisée retraçant la vie du poète et qui pourrait
être portée à l’écran durant ce mois de Ramadhan.x
L’idée émane du réalisateur
syrien Faris Ibrahim qui se spécialise dans
les séries racontant les vies des grandes figures culturelles arabes.x
Il a notamment réalisé des
séries basées sur les biographies des chanteuses Oum
Kalthoum et Esmahane et du poète Nizar Qabbani. « Je serai
prêt à encaisser vos attaques une fois que le travail sur Darwich sera
terminé », a déclaré le réalisateur syrien à ses détracteurs. Mais le
meilleur hommage qui puisse être donné à Darwich
est certainement le nouvel album de Marcel Khalifa,
inspiré du dernier recueil de Mahmoud Darwich,
publié de son vivant. Le compositeur et chanteur libanais a pris à cœur
de transformer ses poèmes en chants et en mélodies, leur conférant une
autre dimension. Ce qui fit dire au poète que Marcel
Khalifa était son « cœur jumeau » (tawaam
qalbi).x
Les admirateurs de Darwich, qui ont pu assister à ses spectacles, se
souviendront surtout de cette voix qui tourmente, qui fascine, qui
envoûte.x
La voix
d’un peuple sans voix.x
Darwich
aimait à croire en l’espoir. « Nous souffrons d’un
mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et
d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros ni
victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir
pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un
hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire.
Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les
roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom
original : terre d’amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir », disait-il.x
Il a contribué à façonner une identité palestinienne, que l’occupant israélien
cherche à nier : « Si quelqu’un, écrivait-il,
parvenait à une brève description des fleurs d’amandier, la brume se
rétracterait des collines et un peuple dirait à l’unisson : les voici,
les paroles de notre hymne national. » Celui qui s’était exclamé :
« ô mort, attends que je fasse ma valise »,
l’éternel exilé, qui a succombé à une opération à cœur ouvert, est parti
à l’âge de 67 ans, nous laissant sa valise.x
Par Amel
Blidisource:ELWATAN,le
quotidien indépendant-dimanche 9aôut 2009.x
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